Pisser sous la douche ne suffira pas

Publié le 19 avril 2023

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«Pisser sous la douche», c’est drôle et c’est bien. Ça évite de gâcher une chasse d’eau potable. Et on te le conseille. Quand on se met à vouloir agir pour la planète, des tas de sites donnent de longues listes de «petits gestes du quotidien». Au début, on se met à les faire et on se sent mieux. Mais les journaux continuent de nous alerter. On se dit alors que la situation est plus critique qu’elle n’y paraît. Et on ne va pas y aller par quatre chemins : on a raison!

Comme nous, certains de tes potes, collègues ou même ta grand-tante, tu as peut-être fait évoluer ton mode de consommation et tes pratiques quotidiennes. Nous n’en sommes pas tous au même niveau d’avancement mais, choix après choix, tu progresses. Et pourtant… Pourtant, une petite voix continue de te titiller: ces changements d’habitudes — indiscutablement utiles et nécessaires — suffiront-ils à lutter contre le réchauffement climatique? Soyons clairs, une fois de plus, tu as raison: pisser sous la douche ne suffira pas…

Dans ce livre, nous n’allons pas nous appesantir sur les catastrophes qui nous attendent (des pics à +50°C à Lille dès 2050, c’est chaud!). S’il y a tout de même une unique idée à retenir, c’est que la situation est bien plus préoccupante que ce que la majorité des gens pensent. Mais ne referme pas ce livre tout de suite. Ce dont on veut te parler ici, c’est d’un plan qui permet de mettre tout le monde en action: it’s Team for the Planet!

«Nous» c’est Arthur, Coline, Denis, Lolo, Mehdi et Nico. On n’a rien de plus que la plupart des Français. On a plus ou moins 27 à 36 ans. On a plus ou moins d’argent. On a plus ou moins d’opinions politiques, plus ou moins diverses. On a plus ou moins de familles et d’enfants. On a fait des études en fac de droit, école d’ingénieurs, école de commerce, STAPS (sport) et Sciences Po. On a plus ou moins de réseaux. On est amis dans la vie depuis plus ou moins longtemps. On a mis plus ou moins de temps à oser regarder sous le tapis du réchauffement climatique. Et on va pas te mentir: on a peur pour la suite, peur pour l’humanité et le vivant en général.

Face à ce qui se prépare et au sentiment d’impuissance qu’on peut tous ressentir, la tentation est grande de vouloir s’isoler et assurer sa propre survie avant tout. Oui, mais peut-on être heureux et heureuses si on sait que les personnes autour de nous souffrent? Et que répondre à nos enfants qui poseront forcément un jour la question: «Mais toi, tu savais et t’as fait quoi?»? Pas facile, n’est-ce pas ? Pour notre part, ces réflexions nous mettent sacrément mal à l’aise. Alors, plutôt que de se chercher des excuses pour se retirer discrètement de la bataille, tel un enfant quittant la table en douce pour esquiver la vaisselle, on s’est dit qu’il fallait tenter quelque chose d’énorme. Où tout le monde aurait son rôle à jouer.

Bon… histoire quand même de réaliser la mission quasi impossible à laquelle on s’attelle avec ce «quelque chose à créer», le GIEC(Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous dit qu’on a seulement 20 ans pour résoudre un problème mondial, systémique et que si on échoue, on enchaînera les crises et les catastrophes. Et on part mal équipés dans ce combat: on n’est ni millionnaires, ni des célébrités influentes et on n’a pas accès à des réseaux ultra-puissants…

Pourtant, on s’est quand même lancés. Pour tous ceux qui nous demandent comment l’idée de Team for the Planet nous est apparue, voici une reconstitution (plus ou moins fidèle) de la scène en question:

«Yo les poulets, le climat est un problème gigantesque, donc faut qu’on crée quelque chose d’énorme pour y faire face.

— On a qu’à sensibiliser tous les êtres humains à propos du climat. On leur apprendrait à prendre soin de la planète et du vivant.

— T’es mignon, toi, mais comment tu touches 7,7 milliards d’êtres humains pour leur faire changer leurs comportements en quelques années seulement, alors que ça prend en général des plombes ? Et puis, qu’est-ce qu’on va apporter de plus que toutes les associations géniales qui planchent déjà là-dessus ?

— Okay, okay, t’as raison, on n’a pas assez de temps pour ça. Et si on jouait plutôt sur le terrain politique? On pourrait faire changer les lois. Avec la politique, ça peut aller vite et à grande échelle, non?

— Hum, pourquoi pas… Mais imagine qu’on soit élus, qu’on parvienne à changer le fonctionnement de la France : qu’est-ce qu’on fait pour toutes les autres puissances qui ne vont pas dans le même sens ? Il faudrait réussir à mettre 197 pays d’accord. Même si ça semble plus simple que de modifier le comportement de 7,7 milliards d’êtres humains, ça reste sacrément difficile! Regarde tous les Sommets sur le climat qui n’ont pas abouti. Et nos Marches du climat les dimanches qui restent sans réponse. Okay, y a quand même l’Accord de Paris, c’est bien, le cadre a été posé. Ce qui manque finalement, c’est de se mettre en mouvement ! De décliner l’Accord en actions concrètes et rapides à l’échelle mondiale !

— Mouais… Seulement, t’oublies un problème majeur: aujourd’hui agir pour la planète de manière responsable, ça demande des efforts. C’est bien simple, soit ça coûte plus cher, soit ça demande plus de temps. Regarde ta cousine qui fait son savon ellemême, ça lui prend tout son samedi! Et dès que tu veux refaire ton appartement avec de la peinture écoresponsable, c’est deux fois plus cher! Il faut qu’on trouve un moyen pour que devenir responsable écologiquement soit moins coûteux en temps ou en argent que de ne pas l’être. Comme ça, les consommateurs et les entreprises auront un intérêt direct et immédiat à le devenir.

— Dans ce cas, pourquoi on n’utiliserait pas l’entrepreneuriat? Après tout, c’est les boîtes qui façonnent en grande partie le monde dans lequel on vit. On est six entrepreneurs, on devrait avoir quelques bases !

— Mais tellement! En plus, on a besoin de l’autorisation de personne. Plus besoin d’attendre. Créer des entreprises pour le climat, ça, c’est entre nos mains. Même pas besoin de convaincre 197 pays ou 7,7 milliards d’êtres humains pour avancer…

— Ça ira tellement plus vite! Et ça sera complémentaire des changements de comportement ou des régulations.

— Ok, alors soyons fous : on pourrait créer 100 entreprises paramétrées pour lutter contre le dérèglement climatique. Ces entreprises devront proposer à l’échelle mondiale des solutions qui sont meilleures et plus rentables en temps ou en argent afin que ça ne soit plus un effort d’agir pour le climat.

— Parfait, ça ! Mais développer 100 entreprises, ça demande 100 fois plus d’argent qu’en développer une seule. Il va nous falloir un sacré pactole.

— Alors allons lever de l’argent. Ça aussi, on sait faire! Il y a plein de citoyens et d’entreprises qui veulent donner du sens à leur argent.

— Carrément! Donc en gros, le principe de Team for the Planet, ce serait ça: on va lever 1 milliard d’euros auprès de tous ceux qui veulent nous rejoindre et devenir un mouvement mondial citoyen pour créer 100 entreprises qui luttent contre les gaz à effet de serre!

— Toi qui voulais quelque chose d’énorme, tu dois pas être déçu! »

Voilà comment tout a commencé. Voilà le point de départ de Team for the Planet.

Une fois l’excitation générale et l’enthousiasme retombés, on a pu pondre sur le papier notre nouveau plan. Progressivement, on a été assaillis par des dizaines de questionnements.

• Au fond, est-ce que l’entreprise est vraiment le meilleur vecteur ?

• Est-ce que ça ne va pas contre l’idée de sobriété à laquelle on tient tant ?

• Beaucoup d’entreprises se crashent avant 5 ans, comment peut-on faire mieux que ça ?

• Est-ce que juridiquement, ça existe déjà, un objet comme Team for the Planet? Ou bien est-ce qu’il va falloir tout inventer ?

• Comment éviter que le projet ne soit récupéré ou détourné de son objectif initial?

• Comment donner une place à tous ceux qui voudront nous rejoindre? Comment leur redonner un certain sentiment de puissance sur l’avenir ?

• Est-ce qu’on peut faire ce projet dans la joie, l’espoir et l’enthousiasme ou bien est-ce qu’on va tous finir en dépression ?

• Comment savoir si nos actions sont efficaces, si on réduit réellement les GES ?

Des réponses à ces questions, on en a trouvé plein. C’est de tous ces sujets dont on va te parler dans ce livre. Il existe déjà de nombreux éléments à propos de notre stratégie sur notre site internet, dans nos interviews, mais on a très rarement eu l’occasion d’expliquer la vision globale de Time for the Planet. Grâce à ce livre, on veut prendre le temps de clarifier tout cela. Accroche-toi, ça n’existe nulle part ailleurs…

Avant de rentrer dans le vif du sujet, soyons très clairs sur deux points :

1) Team for the Planet n’est pas la solution à TOUS les problèmes actuels : l’effondrement de la biodiversité, les pollutions, les conflits sociaux, la pauvreté et autres injustices contemporaines… Si on a bien appris une chose dans notre parcours entrepreneurial, c’est que pour se donner plus de chances de résoudre un problème, il faut se concentrer uniquement sur sa résolution, et elle seule.

Se battre sur plusieurs terrains à la fois fait perdre en efficacité, voire freine totalement la mise en action. Le problème paraît si grand qu’on ne trouve aucune piste pour tout résoudre en même temps. Time for the Planet entend mener un seul combat: celui de la lutte contre le dérèglement climatique.

2) Team for the Planet n’est pas LA solution au problème du dérèglement climatique. On l’a dit, le problème est gigantesque et une action seule ne pourra pas le résoudre. C’est la multiplicité des acteurs et des initiatives qui donnera une chance d’espérer éviter la cata climatique. Les individus, les politiques, l’éducation, les structures associatives ou économiques classiques ont et auront un rôle majeur à jouer. Team for the Planet est née du constat que si les projets à échelle locale sont indispensables, ils n’ont malheureusement que trop peu d’impact du point de vue des gaz à effet de serre à l’échelle planétaire.

Il faut donc aussi des initiatives qui puissent avoir un impact mondial et rapide. Car oui, nous jouons contre la montre.

Ces petites mises au point faites, on se sent plus légers. C’est parti!